jeudi 10 février 2011

Setsubun à Shinjuku

En voilà encore un, de titre mystérieux. Mais le suspens devrait prendre fin maintenant: le Setsubun est une fête nationale au Japon, bien qu'elle ne soit pas fériée, ayant lieu tous les 3 févriers, auquel j'ai assisté au Temple Shinto Hanasono dans le quartier de Shinjuku dans Tokyo.

Modernité et tradition. Une dualité souvent utilisée pour décrire le Japon dans la plupart des livres et guides consacrés à ce pays. Et qui pourrait aussi être reprise ici. Car difficile d'imaginer qu'un Temple trouverait sa place au milieu des immeubles du quartier animé de Shinjuku. Et pourtant, c'est bien entre deux immeubles d'une dizaine d'étages, sur la rue Yakusuni, que le Tori, ou porte d'entrée principale, du Temple Hanasono est coincé.

Le Tori passé, opération retour dans le passé. Après quelques mètres parcourus au milieu d'une végétation succincte mais présente, c'est un voyage dans le passé de plus de 400 ans que l'on fait. C'est en effet autour de 1600 que les premières traces de l'existence de ce Temple shintoïste dédié au Dieu Inari peuvent se trouver. On débouche sur une place assez imposante, avec à gauche, le Temple principal, où les fidèles viennent prier, en face, une sorte de scène, et à droite, des temples auxiliaires... dont un dédié à la fécondité où les personnes désirant un enfant peuvent venir prier. Cette place est entièrement ouverte sur l'extérieur et il est possible de pénétrer dans l'enceinte du sanctuaire non seulement par la porte d'entrée principale située sur la rue Yakusuni, mais aussi par tous les autres côtés.

Du fait de sa situation, en plein milieu d'une zone très animée de Tokyo, le Temple est particulièrement visité, surtout tôt dans la matinée, lorsque les travailleurs se rendent au travail, et dans la soirée, quand ils en sortent. Pourtant, en ce 3 février 2011, la foule se pressait autour de l'esplanade du Temple Hanasono, qui accueillait en son sein des visiteurs surprenants... des démons (!) que ses défenseurs ont chassé d'une façon tout aussi surprenante... puisque c'est à coup de haricots secs que ces derniers ont été écartés. Une arme étonnante qui prend cependant tout son sens quand on apprend que le Setsubun, cette fête qui a lieu tous les 3 février pour fêter l'arrivée du Printemps, est aussi appelée populairement la fête du « lancer de haricots ».

D'origine chinoise, cette fête est une cérémonie d'exorcisation contre les mauvais esprits. Elle a, par le passé, été pratiquée de deux manières différentes, dans les palais où les nobles chassaient les mauvais esprits avec leurs arcs et leurs flèches, et dans les temples où ils étaient repoussés à coup de haricots de soja... avant que ces deux célébrations soient fusionnée et que la pratique actuelle soit adoptée.

Aujourd'hui, elle est fêtée à la fois dans les familles et dans les temples shintoïstes. En famille, elle prend la forme d'une fête pour les enfants, où ces derniers jettent des haricots grillés sur des adultes déguisés en démon en criant « Dehors les Démons » et « Dedans le Bonheur ! »... alors qu'elle adopte une forme un peu plus sérieuse dans les Temples.

Au Temple Hanasono, elle a débuté avec le défilé d'une cinquantaine de personnes, de tout âges et de tout sexes, vêtus d'habits traditionnels bleus marchant au rythme des taikos et armés de petites boîtes de bois remplies de haricots grillés. Ils ont fait le tour de l'enceinte avant de revenir et de venir prier pendant une demi-heure dans le Temple, alors que les visiteurs attendaient à l'extérieur. Il sont finalement sortis et, après avoir appelé les enfants présents dans l'assistance, les démons ont fait leur apparition. Ils étaient deux... et ils ont déguerpis aussi vite sous des jets de haricots. Puis, la place a été faite à deux sorcières qui ont distribuées le bonheur sous forme de petits papiers blancs, après avoir effectué une danse. Ensuite, les haricots non jetés ont été distribués au public... qui avait pour choix soit de les manger, soit de faire des batailles. Un conseil: goûtez-les, c'est assez bon et si vous en manger autant que le nombre de vos années, cela porte bonheur. Puis, en guise de fermeture, la foule a été conduite sur les marches où chacun a reçu une enveloppe remplie de cadeaux... des snacks, des vêtements, des stylos, des chocolats... voir même du curry ou des bols.

Il était trois heures trente et la cérémonie, débutée à deux heures, était terminée, nous laissant les bras chargés et les yeux écarquillés. Les étrangers, omniprésents, ne comprenaient pour la plupart pas vraiment ce qui venait de se passer. J'en fait partie. Cette fête pour les enfants m'a semblé assez longue pour eux (deux minutes à peine de jets de haricots pour 1h30 d'attente... sans compter qu'il faisait froid...), mais pour des étrangers en manque de traditions et de dépaysement, le tout en plein milieu du quartier animé de Shinjuku, cela vaut le détour !

Marièke POULAT

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